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J’aime pas les gens qui détestent le lundi, même si j’en fait partie. Au fait, j’aime pas ceux qui, à la question : « Comment vas-tu ? » répondent qu’ils vont comme un lundi. C’est idiot. Le dimanche, personne ne dit qu’il va comme un dimanche, pourtant, le dimanche n’est pas un jour ordinaire : il y a toujours trop de monde à la boulangerie, on ne peut pas tondre la pelouse, les magasins sont fermés et on se sent obligés d’aller se promener dans la forêt ou de faire un peu de sport. Surtout le dimanche matin. Bref, le dimanche est une journée contrariante alors que le lundi, tout est à sa place. Sauf les gardiens de musée dont c’est le jour de repos. On pourrait en conclure que tous ceux qui détestent les lundis seraient amateurs d’art, c’est faux.

Pendant un temps, j’ai pensé que c’était une question de réveil. En effet, chronologiquement, le lundi suit le samedi et le dimanche, deux journées où les horloges peuvent prendre quelques libertés. Sauf que ceux qui se plaignent du lundi sont aussi ceux qui se lèvent à l’aube le samedi matin pour faire leurs courses et repeindre la chambre des enfants. Le dimanche, ils sont les premiers à la piscine et l’après-midi, ils nettoient leur voiture. En toute logique, on dira que leurs weekends sont épuisants et qu’il est légitime de s’en plaindre le lundi. À ce propos, on notera que le vendredi, de nouveaux contingents de remarques alimentent les conversations. Elles signalent qu’on est vendredi. J’insiste encore, ce n’est pas un hasard si les seuls jours de la semaine régulièrement cités sont ceux qui touchent le week-end. Or, c’est un constat vérifié : j’ai passé des heures devant les guichets de la Poste ou dans les files de supermarché et je n’ai entendu personne m’informer du fait qu’on était mercredi ou jeudi. C’est un signe. Récemment, j’ai fait part de cette théorie à un homme d’affaire, rencontré dans un train. Très vite, il a émis une nouvelle hypothèse : le travail serait responsable de la morosité du lundi. Quand je lui ai fait remarquer que les chômeurs et les retraités se sentaient aussi parfois « comme un lundi », il a prétendu qu’ils le faisaient par habitude ou par contagion ou pour éviter la dépression. Selon lui, « se sentir du lundi », serait une façon comme une autre d’affirmer sa place dans le rang des forces vives de la nation. Fidèle à sa profession, l’homme d’affaire alignait ses arguments avec l’assurance d’un chef-comptable. Assis face à face, je réalisais qu’un gouffre nous séparait. Notre seul îlot d’entente concernait les militaires. La vie des militaires ne connaît ni les matins ni les nuits, encore moins les jours de la semaine, week-end compris. Ce serait un comble. À la rigueur, un militaire à qui l’on demanderait des nouvelles de sa santé pourrait répondre qu’« il va comme un militaire ». Affirmation justifiée. En dehors des militaires, l’homme d’affaire et moi ne sommes pas tombés d’accord. Quand il est descendu du train, il continuait de prétendre que la reprise du travail justifiait qu’on se lamente le lundi matin. Quand je l’ai regardé s’éloigner sur le quai, je me suis dit que les hommes d’affaire étaient bien cons. Qu’ils étaient du genre à se plaindre le lundi et à s’épuiser le week-end. Personnellement, j’aime le lundi (mais pas trop… hein) . Rien ne vient jamais bousculer un lundi matin et je déteste être bousculée. Le calme absolu que procure la médiocrité d’un lundi matin est proche de l’extase qu’atteignent les professionnels du yoga. En conclusion, on dira que ceux qui, le lundi matin, « se sentent comme un lundi» feraient bien de cesser de s’agiter le week-end. Qu’ils se souviennent que le lundi est un commencement qu’on peut re-commencer toutes les semaines. C’est une chance qui n’existe pas ailleurs. Il faut le savoir.

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